1868 : COULEUR "la solution du problème"

     Nous savons que tout jeune, dès ses vingt ans, Louis Ducos du Hauron rêvait en couleur. Son exposé à la Société académique d'Agen en 1859, son mémoire de 1862 le confirment. Mais il n'est pas le seul. Niépce, Daguerre... et bien d'autres avaient cru au miracle en recherchant cette « surface caméléon qui enregistrerait une image polychrome ».

     Le jeune Louis Ducos va partir sur une tout-autre voie, et c'est ainsi qu'il va s"approprier - et théoriser - l'idée de la trichromie.

La trichromie : une idée qu'il fait sienne

      A cette époque, Louis Ducos n'a aucune formation particulière en la matière. Nous pensions qu'il aurait pu être au courant des expériences de savants tels que Newton (décomposition de la lumière par le prisme) ou de Maxwell (reconstitution des couleurs par triple projection), mais il avouera tout simplement, à l'historien Georges Potonniée, que c'est grâce à son professeur de peinture qu'il a eu l'intuition de cette méthode.

     S'il arrivait à reconstituer sur sa palette toutes les nuances souhaitées en mélangeant uniquement trois couleurs de base, il y arriverait également en additionnant trois images photographiques monochromes représentant chacune les valeurs de ces trois fameuses couleurs de base. Il est conforté en ce sens par les travaux de Chevreul et son traité datant de 1839. Mais comment arriver à ce résultat ? Et comment choisir ces couleurs ?

     Près de dix ans de réflexion lui seront nécessaires pour comprendre que l'addition de lumières sur un écran n'a rien à voir avec le mélange de pigments sur une palette ou la superposition de monochromes transparents sur une table lumineuse. Et ce n'est que lorsqu'il aura "la révélation", dit-il, de la seconde moitié du "problème" (année 1867) qu'il passera à l'expérimentation.

     Pour vous aider à visualiser ce qu'il vient de découvrir, et que nous appelons aujourd'hui une synthèse soustractive des couleurs, reportez-vous à notre illustration. Nous avons réalisé une simulation à partir des couleurs primaires et de leurs complémentaires telles que nous les comprenons et telles que nous les nommons aujourd'hui. Louis Ducos mettra un bon moment avant de faire les mêmes choix. Et c'est avec les tâtonnements excusables des débuts qu'il va mettre en oeuvre ces principes, en 1868-69, pour produire la première photo-couleur de l'Histoire.

     Le PDF à télécharger détaille tout cela. Il résume les théories sur les deux synthèses additive et soustractive des couleurs, ainsi que sur la vision humaine. 

Synthèse soustractive. Trois empreintes négatives réalisées à travers les filtres vert, bleu, et rouge vont nous donner trois monochromes aux couleurs complémentaires (magenta, jaune et cyan). Lesquels, superposés sur une table lumineuse, reconstitueront toutes les nuances du bouquet de départ, ci-dessus. 

Synthèse additive, synthèse soustractive

     Si Louis Ducos a baptisé son brevet "la solution du problème" en novembre 1868, c'est que ce qu'il vient de découvrir va lui permettre de réaliser la démonstration qu'il a en vue grâce à son "procédé d'interversion". C'est la synthèse soustractive que nous venons de vous présenter et que LDH présente aussi en premier dans son brevet et sa publication de 69. Ce n'est pas très pédagogique car la synthèse additive est beaucoup plus aisée à comprendre. Elle ne réclame pas la gymnastique cérébrale que seul Ducos est capable d'exécuter et que nous n'avons même pas osé reprendre dans le PDF correspondant.

     Donc, comme ce chapitre est essentiellement consacré à la théorie, nous nous devons de vous présenter cette synthèse additive qui sera à la base des projections trichromes, des procédés à réseaux tels que l'omnicolore de Ducos ou l'Autochrome de Lumière, et qui est plus que jamais d'actualité avec la photo numérique et l'affichage de nos écrans.

     Nous avons donc repris la diapositive ci-dessous d'une de nos conférences pour vous expliquer le principe qui consiste (à lire de gauche à droite) :

  1. de réaliser 3 clichés négatifs à travers trois filtres RVB (rouge, vert, bleu)
  2. de contretyper ces négatifs pour obtenir des positifs
  3. de projeter sur le même écran (en repérage) ces 3 images à travers les 3 mêmes filtres RVB
  4. et ainsi de reconstituer l'image de départ.

Un concept qui devient réalité

     Au cours de sa vie de chercheur, l'inventeur agenais a ainsi théorisé tout ce qu'il a ensuite expérimenté. Il n'était pas photographe, nous dit son frère Alcide. « Durant des années, sa découverte, y compris les obstacles rencontrés, les batailles qu'il leur livra, les victoires gagnées, n'eut d'existence que dans son cerveau. » C'est ainsi qu'il eut la « révélation », un beau jour de l'année 1867 nous dit-il, de ce qu'il va nommer son "procédé d'intervertion". « Il se procura alors un manuel de photographie ainsi que le matériel strictement nécessaire aux démonstrations spéciales qu'il avait en vue. » Et son frère de poursuivre : « Au bout de quelques mois d'expérimentation, sa joie fut immense, car il lui fut donné de constater et de faire constater à son entourage que les choses se passaient exactement comme il les avait prédites. »

     Ceci se déroulait à Lectoure chez nos voisins du Gers, où les deux frères résidèrent quelques mois. Cette année là, en novembre 1868, Louis Ducos prit un brevet pour son invention et envoya, par la suite, son travail à la Société française de photographie.

Connaissons-nous vraiment cette première couleur ?

     Il n'est pas évident de répondre à cette question et c'est pour cela que nous allons lui consacrer un nouveau chapitre. Tout le monde connait cette fameuse image de "feuilles et pétales de fleurs", et pourtant... Elle ne correspond ni à ce qu'annonce Louis ou son frère Alcide. Elle n'est pas une diaphanie. Elle n'est pas un sandwich de monochromes.

     D'autre part, l'universitaire Joël Petitjean, qui a découvert un fonds important sur les premiers essais de LDH, nous donne quelques pistes nouvelles. Nous avions, à ce sujet, ouvert une page récente : celle sur les dernières acquisitions du musée Niépce de Chalon-sur-Saône.

     Enfin, nous avons trouvé dans ce que nous appelons le fonds Poitrat les confirmations de ce que nous attendions sur la présentation de 1869... et sur une seconde présentation, en 1870.

     Tout ceci nous a obligé à diviser et à récrire les PDF sur la question. Voir page suivante.


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COULEUR : la solution du problème
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