La vie parisienne                                             de LOUIS DUCOS DU HAURON

   Il ne faut pas trop croire les auteurs qui prétendent que Ducos du Hauron, de retour en métropole, renonce à commercialiser ses inventions. Car au contraire, il semble que, cette fois, c'est lui qui décide son frère Alcide à s'installer à Paris. Il y est partout reçu avec les honneurs, il est médaillé par diverses institutions... il fait construire des appareils et continue à produire des écrits et à déposer des brevets.

   Son frère récapitule ce qu'a été sa vie de chercheur dans une publication de 1898 (chez AL Guyot, éditeur parisien) « La Photographie des couleurs et les découvertes de Louis Ducos du Hauron ».

Son séjour aux Batignolles

   C'est dans ce quartier de Paris, rendu célèbre par les Impressionnistes et le tableau de Fantin-Latour, que Louis Ducos s'installe en novembre 1896. Il est « rejoint par son frère » apprend-t-on... qui est désormais à la retraite.

   Dans son ouvrage, Alcide nous commente la fabuleuse mystification dont Louis a été victime à propos d'une remise de palmes académiques... comme les déboires liés à la souscription lancée par Charles Mendel de Photo-Revue pour aider notre inventeur. Tous les détails sont dans le PDF ci-joint. On y voit comment les frères Lumière sont généreusement intervenus. Une façon de régler la dette qu'ils avaient vis à vis d'un chercheur sans moyens mais particulièrement prolifique et visionnaire. Ceci venant contredire ce que l'on a pu entendre sur de soi-disant conflits entre notre homme et les industriels lyonnais.

Deux appareils pour "voir" en couleur

Louis Ducos du Hauron lors d'une démonstration à la Société française de Photographie en 1897. Il procède à la mise au point sur son Chromographoscope (bulletin SFP).
Louis Ducos du Hauron lors d'une démonstration à la Société française de Photographie en 1897. Il procède à la mise au point sur son Chromographoscope (bulletin SFP).

 

   Autre preuve qu'il ne décroche pas : il va faire construire et mettre à la vente deux nouveaux appareils destinés (plutôt) aux amateurs désireux d'obtenir un résultat rapide. Cela est devenu possible car les émulsions panchromatiques permettent d'obtenir sur la même plaque le trio de clichés nécessaires. Il revient, pour cela à une synthèse additive « d'images reflets » et donc... immatérielles.

   Ces appareils sont construits par l'atelier Mackenstein de Paris. Le premier en 1897 se nomme Chromographoscope et comporte un seul objectif associé à divers miroirs semi-transparents internes. Le second, en 99, est baptisé Mélanochromoscope et possède trois objectifs et des miroirs externes.

   Il faudrait que les heureux collectionneurs qui possèdent ces raretés les testent et qu'ils nous disent quel était le meilleur. Car les praticiens de l'époque n'étaient, semble-t-il, pas très nombreux, et la méthode... confidentielle. Il faudra attendre encore une décennie avant que les photographes ne passent à la couleur.

 

A gauche, le Chromographoscope et ses trois écrans RVB. A droite, un Mélanochromoscope ouvert et le schéma correspondant. Les deux appareils servaient aussi bien à la prise de vue qu'au visionnage. Il suffisait de remplacer l'objectif par un oculaire adapté. (croquis tirés de L'illustration, Spécial Photo de 1945)

Savigny-sur-Orge :                                                  LDH repart au combat pour l'Omnicolore

Louis Ducos du Hauron photographié par Nadar. (Archives 47)
Louis Ducos du Hauron photographié par Nadar. (Archives 47)

   En 1902, nous le retrouvons à Savigny-sur-Orge, dans l'Essone, toujours actif, intervenant dans diverses causeries, répondant à Ives de Philadelphie... et continuant à publier. À près de 70 ans, il se relance même dans une aventure industrielle.

   Divers scientifiques viennent de redécouvrir la théorie des réseaux colorés développée par lui en 1868 (et même en 1862), mais jamais exploitée. Son neveu, Raymond de Bercegol, l'incite à tenter l'aventure. Ils s'associent tous deux à la société Jougla, un gros fabricant de plaques photographiques, qui se montre intéressé.

   Quel élixir de jouvence pour notre chercheur en fin de carrière. Il s'attelle à la tâche. Seulement voilà ! L'industriel aura beaucoup de mal à fabriquer ces réseaux pour l'Omnicolore. En plus, il y a compétition... car la Société Lumière est dans la course. Et les frères lyonnais, qui sont de vrais scientifiques, sont aussi et surtout des ingénieurs réalistes, capables de flairer les bonnes solutions.

   Et – la solution – c'est Louis Ducos qui leur avait donnée... trente ans auparavant : « une feuille translucide, recouverte d'un grain de trois couleurs ». Mais pourquoi diable, mon pauvre Louis, n'as-tu pas relu ce que tu avais écrit ? Des grains colorés de fécule de pomme de terre... ce n'était pas si compliqué !

   En 1907, donc, les Lumière sortent leur fameux Autochrome... et rachètent la société Jougla. Merveilleux Autochrome ! Bientôt produit à raison de 6000 plaques par jour, les photographes du monde entier, professionnels ou amateurs, l'utiliseront durant plus de trente ans et produiront des chefs-d’œuvre.

   Potonniée, un historien de la photographie, et ami de Ducos, conclut ainsi un article : « On sait que la fusion de la Maison Jougla avec la Société Lumière mit fin aux Omnicolores. Ducos du Hauron avait sur cette affaire fondé de grands espoirs. Ce déboire lui fut infiniment cruel, il ne s'en remit jamais. »

   Effectivement, notre ami Louis vient de prendre un sacré coup de vieux. En plus, en 1909, il perd son frère Alcide, puis un neveu « qu'il aimait comme son propre fils ».

   En 1914, à la déclaration de guerre, il vient se réfugier dans la famille lot-et-garonnaise de sa belle-sœur, au Temple-sur-Lot puis plus tard à Agen.

 

A gauche, le réseau RVB de l'Omnicolore, qu'il fallait imprimer sur la plaque de verre avant d'y couler la gélatine. A droite, ce sont les grains colorés de l'autochrome, saupoudrés sur un vernis, puis recouverts par la couche sensible. Les plaques étaient exposées à travers le verre... et le résultat était remarquable (Institut Lumière).


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Période parisienne : hommages et dernière invention, l'Omnicolore
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